Aujourd'hui je ne vous parle pas d'un roman fantasy mais d'un film de super-héros, ou plutôt de super-méchant : Joker.
Joker est un film sombre et psychologique. Il réunit des scènes et des situations gênantes ainsi qu'un ou deux passages légèrement gores. En somme, le film Joker est tout ce que je déteste... Et pourtant, je l'ai adoré !
Attention ceci est une analyse de film, elle est destinée aux personnes ayant déjà vu ce film. En effet j'analyse le scénario du début jusqu'à la fin, il y a donc des spoilers.
Je vous conseille également de regarder la vidéo ci-dessus à l'intérieur de laquelle je développe plus en détail les différentes étapes du scénario énoncé par John Truby dans ''l'anatomie du scénario''.
L'univers DC Comics.
Commençons par le commencement. Nous avons une longue introduction durant laquelle on entend les informations de Gotham en fond sonore. Des informations pour le moins pessimistes, qui décrivent une ville littéralement ensevelie par les ordures et au bord du chaos.
Sur ce fond sonore on observe Arthur Fleck en train de se maquiller en clown. Il rit et pleure à la fois. Il se fait ensuite agresser et l'intro se finit, laissant Arthur seul, dans une ruelle, au milieu des ordures. Il ne peut pas être plus bas.
La mise en place du film est longue, mais nécessaire. On nous place dans une routine quotidienne. Arthur se fait agresser au travail, ou bien il reçoit de mauvaises nouvelles. Ensuite il traverse les ordures de Gotham, monte avec peine les escaliers puis s'occupe de sa mère qui ne lui parle que des fameuses lettres qu'elle envoie régulièrement à Thomas Wayne.
En parallèle de ça, on a le Gotham d'en haut, symbolisé par le Murray Show. Un monde de spectacle qu'Arthur aimerait atteindre. Le spectacle et les apparences sont omniprésents dans le film. Le corps a une importance capitale. Celui d'Arthur est meurtri et amaigri. Il ne se libère complètement que lorsqu'il commet des actes violents, comme enfin libéré de sa condition, il se met à danser. Il écarte les bras, comme des révérences, mais ce n'est qu'à la fin qu'il trouve réellement un public pour l'acclamer : le Gotham d'en bas.
Le réseau de personnages
Pour moi, l'analyse d'un scénario demande d'abord d'identifier les personnages. Qui est le héros ? Qui est l'adversaire ? Il y a-t-il de faux alliés ?
J'ai beaucoup hésité sur la question de l'adversaire, ou plutôt de Gotham. Doit-on considérer Gotham comme un adversaire ? Pourtant, une partie de la ville finit par acclamer Joker. Gotham serait-il alors un arbitre entre Arthur Fleck et Thomas Wayne ?
Car tout au long du film, Arthur se bat contre la société. Mais le système enchaîne les coups sans lui laisser le temps de s'en remettre : Gotham l'ensevelit sous les ordures, l'agresse de façon répétée, lui enlève son emploi, puis son soutien psychologique. Gotham le met à terre.
En ce moment je lis : ''L'art de la guerre » de Sun Tzu. Dans ce livre il est écrit : ''Ne poussez pas à bout un ennemi aux abois''. En effet, lorsqu’une bête sauvage est poussée dans ses retranchements, elle se bat avec l'énergie du désespoir. Et c'est encore plus vrai pour l'être humain, s'il n'y a pas d'autre solution, l'Homme se battra jusqu'à la mort.
C'est ce qui se passe dans le métro. Arthur se fait agresser pour la énième fois par de jeunes garçons représentant ''les biens pensants'' de Gotham. Mais cette fois-ci, Arthur se défend et tue les 3 hommes. C'est pour moi, l'élément déclencheur de l'intrigue qui arrive au bout de 32 minutes.
Partant de là, Gotham et Arthur vont disputer un vrai match de boxe. Mais Gotham est-il le véritable adversaire ? Comme je l'ai dit plus haut, c'est Gotham qui portera Joker (au sens propre comme au figuré). Gotham est l'ennemi d'Arthur mais l'allié de Joker. Je préfère donc le considérer comme un faux adversaire. Je pense que dans le scénario, le véritable adversaire est plutôt Thomas Wayne.
On a également la présence d'un faux allié, Murray, qu'Arthur voit comme un père et qui va d'ailleurs lui trouver le nom de Joker. Mais le présentateur télé va se retourner contre lui et devenir également un adversaire.
Qu'en est-il de sa mère, Penny ? Je pense qu'elle est également un faux allié. Arthur le comprend lorsqu'il découvre son véritable passé et surtout celui de sa mère délirante. Orphelin, il va trouver en Gotham une nouvelle mère lorsqu'on le sortira de la voiture de police pour le déposer sur le capot comme on pose un enfant sur le ventre de sa mère.
On se retrouve donc avec un quatuor :
Arthur _________ Thomas Wayne
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Penny __________ Murray
Le scénario
Les symboles sont nombreux dans ce film. Le premier étant bien évidement le maquillage de clown. Comme une trame de fond, il apparaît à chaque instant, il fait partie intégrante de la vie d'Arthur et va devenir l’identité même de Joker. A chaque fois qu'il avance dans la violence, il assume de mieux en mieux son masque – et son rire – jusqu'à annoncer que c'est ça son vrai lui. En réalité c'est lorsqu'il enlève ce maquillage qu'il se masque.
On observe l'évolution aux travers de nombreuses scènes répétitives qui évoluent tout au long du scénario. Sa routine quotidienne change – tout en restant la même – en même temps que son état d'esprit. Alors qu'on voit Arthur monter les escaliers avec lassitude plusieurs fois dans le film, lorsque Joker est réellement né, on l'observe descendre ces mêmes escaliers en dansant, de manière totalement libérée. Arthur tentait en vain d'atteindre le Gotham d'en haut, Joker assume sa descente et aime le Gotham d'en bas, car c'est de là qu'il vient.
On peut d'ailleurs penser que c'est juste avant cette scène qu'Arthur ''meurt'', lorsqu'il se teint les cheveux en vert et sort de son appartement après avoir tué un de ses anciens collègues : sa démarche auparavant gauche et lourde est devenue assurée et totalement libre. C'est la naissance du véritable Joker.
On observe également, à ce moment-là, un vrai changement dans le visuel du film jusqu'ici très sombre et froid. Lorsque Joker se rend au show de Murray, Gotham est, pour la première fois, ensoleillée et pleine de couleurs. Joker ne craint plus Gotham car elle est maintenant son alliée. Alors que la ville s'embrasera, elle deviendra à ses yeux, un vrai feu d'artifice.
Une happy end ?
Beaucoup considèrent que la fin n'est pas une happy end car, finalement, le héros est passé du côté obscure de la force. Ce n'est pas mon ressenti.
Il est clair que Joker à vaincu son ennemi. Au moment même où Wayne se fait assassiner, Joker , à son apogée, se fait acclamer par la foule. Gotham l'appelle à se (re)lever. Il a enfin trouvé son public et sa place dans la société. C'est le nouvel équilibre où Joker fera partie intégrante de Gotham. Pour une fois, le ''méchant'' gagne. Mais était-ce bien lui le méchant ? Y avait-il un gentil dans l'histoire ? Oui, ok, peut-être le nain.
C'est peut-être pour cela que j'ai adoré ce film malgré qu'il contienne tous les ingrédients que je déteste. Car oui, j'ai un faible pour les méchants, surtout quand ils ont du sens et une vraie personnalité. Et ça, c'est la spécialité de DC Comics.
Je n'ai pas développé l'aspect sociétal du film car ce n'est pas mon sujet. Mais il est évident que ce film montre à quel point la société peut forger un individu. Car un même homme avec les mêmes faiblesses psychologiques, dans une autre société, aurait simplement pu se mettre à courir après avoir dégusté une boite de chocolats sur un banc...
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